Victor Tiollier Un acte de résistance spirituelle à Dachau

  • Biographie de Victor Tiollier

    Albert et Marie Tiollier et leurs enfants Victor jeune

    Victor Tiollier est né le 29 janvier 1921 à Cruet (Savoie), où son père, Albert Tiollier (1893-1966), est viticulteur et cultivateur.

    Sa mère, Marie (1892-1944), est originaire de Pont-de-Beauvoisin (Savoie), où son propre père, André Gondrand, était notaire. Il avait épousé Marguerite Pichat, originaire de Saint-Jean-de-Bournay (Isère).

    Albert et Marie se sont mariés en 1920 à Pont-de-Beauvoisin. Ils auront cinq enfants.

    Deux de ses oncles paternels sont morts au champ d’honneur pendant la Grande Guerre. Il porte le prénom de l’un d’entre eux, prêtre, vicaire à Aix-les-Bains, tombé en septembre 1916.

    Son oncle maternel, Clément Gondrand, est mort au début de la Deuxième Guerre mondiale, le 9 juillet 1940, alors qu’il était prisonnier des Allemands, à Ouges (Côte d’Or.)

    Victor est un garçon joyeux, qui entraîne les autres. Il aime chanter.

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    Victor avec ses frères, sœurs et cousins devant L’Idylle

    À partir de 1930 il fait ses études secondaires au collège de La Villette à Chambéry (Savoie.)

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    Après son baccalauréat il entre au grand séminaire de Chambéry. En 1940 il est requis pour un temps pour les Chantiers de Jeunesse (XXe groupement, dit groupe « Chartreuse », à Saint-Laurent-du-Pont, Isère).

    En 1943 il quitte le séminaire pour une année de réflexion, et commence des études de droit à Lyon.

    Imprégné dès sa jeunesse des valeurs du scoutisme, il s’inscrit à La Route.

    Victor routier Victor séminariste
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    Paul Gentil en 1951

    Il loge chez sa tante, sœur de son père, Madame Jeanne Larchier, à Villeurbanne. Celle-ci héberge avec son mari deux autres étudiants, engagés dans la Résistance, Paul Gentil et le cousin germain de celui-ci, Pierre Pittion-Rossillon. Ils font partie du réseau Gallia, où Louis Gentil, le père de Paul, exerce des responsabilités importantes.

    Début mai 1944 la Gestapo (la police secrète allemande), opère une perquisition dans le pavillon des Larchier, alors que les deux jeunes résistants sont absents. Les scellés sont apposés sur la porte de leur chambre. Prévenus par la fille de la maison, Marie-Antoinette, ils s’abstiennent de revenir. En effet, Pierre Pittion-Rossillon avait avoué aux membres du réseau qu’il n’était pas sûr de ne pas parler sous la torture, et leur avait demandé de se disperser, si jamais il venait à être arrêté. Il l’est effectivement, le 8 mai. Quant à Paul Gentil, il sera pris dans une rafle, le 14 juin, à la gare de Brotteaux, identifié comme étudiant, non comme résistant. Il s’échappera du train qui ira vers Dresde, sera emprisonné en Suisse, puis racheté par des résistants.

    Le 18 mai 1944, Victor écrit à ses parents qu’il a senti qu’il lui revenait de « faire la relève », en reprenant l’animation du « réseau », et qu’il avait commencé cette mission depuis cinq jours (en fait il avait été engagé le 8 mai en qualité d’agent de liaison par Paul Gentil.)

    Il est vite arrêté à Lyon, le 20 mai, alors qu’il relève une boîte aux lettres clandestine, rue Sainte Catherine.

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    La prison de Montluc

    Il est torturé et interrogé à plusieurs reprises dans la cave de la Gestapo, située avenue Berthelot, dans l’ancienne École de Santé Militaire, tout en étant interné dans la prison militaire de Monluc, 4, rue Jeanne-Hachette, dans le 3e arrondissement de Lyon, celle-là même ou avait été incarcéré Jean Moulin le 21 juin 1943.

    Le 19 juin, il fait partie du convoi qui est embarqué à la gare de Perrache vers Paris, puis vers le camp de Compiègne-Royallieu (Oise), où il arrive le 22. Là il commence à noter au crayon dans un petit carnet ce qui lui est arrivé depuis son arrestation.

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    Dachau

    Il y ajoutera son départ, le 2 juillet, pour Dachau, où il arrive le 5 juillet 1944 (il a réussi à lancer du wagon un mot dans lequel il demande que celui qui le trouvera veuille bien l’envoyer à ses parents, à Cruet.) Il note aussi son transfert à Neckarelz, camp annexe du KL Natzweiler, dans la vallée du Neckar.

    Il consigne ensuite les péripéties de sa détention et des réflexions personnelles dans ce journal, qu’il cache dans une de ses galoches. On y constate qu’en dépit du travail exténuant auquel il est soumis, il s’astreint à une discipline morale et spirituelle de tous les instants. Ces pages griffonnées à la hâte « sont en soi un véritable acte de résistance », affirme la notice qui accompagne leur transcription dans les archives du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD) de Lyon.

    Le journal s’interrompt au milieu d’une phrase, à la date du 19 janvier 1945, soit que Victor se soit senti trop faible pour écrire, soit qu’il ait été interrompu par l’arrivée d’un gardien. Le fait est qu’il meurt du typhus à l’infirmerie cinq semaines plus tard, le 25 février. Ses derniers instants sont relatés par deux autres camarades, dans leurs livres de souvenirs : Robert Masset, chef de service à la préfecture de Châteauroux (À l’ombre de la croix gammée) et Georges Villiers (Témoignages.)

    Ce dernier, nommé par Vichy maire délégué de Lyon, en 1941, et révoqué en décembre 1942, avait été arrêté pour avoir aidé la Résistance. Il était parti de Compiègne par le même convoi que Victor (« le train de la mort », où l’on a compté au moins 519 décès) Avec trois autres camarades (deux Russes et un Polonais), il se porte volontaire pour enterrer Victor dans le carré juif du cimetière de Binau, avec dix autres cadavres de déportés. Ils prennent soin d’entourer sa cheville d’un ruban à son nom, et de signaler l’endroit par un repère, afin que son corps puisse être reconnu dans les fosses de Binau.

    Le cimetière de Binau (source : G. Villiers, Témoignages, France-Empire)
    Le cimetière de Binau (source : G. Villiers, Témoignages, France-Empire)

    Le cercueil de Victor sera rapatrié en 1955 dans le caveau familial du cimetière de Cruet, où il reposera auprès de sa mère, décédée le 8 décembre 1944, et où sera inhumé son père, Albert, le 26 août 1966.

    Le journal de Victor Tiollier, ramené en France par un camarade de chambrée après la libération du camp, est remis en 1945 par Georges Villiers à Albert Tiollier, qui recevra en 1958 la Légion d’honneur au nom de son fils lors d’une cérémonie qui se tiendra à Chambéry.

    Albert Tiollier décoré à Chambéry

    Le nom de Victor Tiollier figure sur le monument aux morts de l’Université Lyon II. Une plaque portant son nom a été apposée dans la cour de la Maison diocésaine de Chambéry, le 26 février 2005 (60éme anniversaire de sa mort), en présence de l’évêque, mgr Laurent Ulrich, qui s’est également rendu à Cruet, pour prier sur sa tombe.

    Mgr Ulrich, évêque de Chambéry, devant la tombe de Victor.

    On peut voir le carnet de Victor Tiollier dans une vitrine du Musée de la Résistance et de la Déportation de Lyon. Il a été déposé au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD), qui gère ce musée, par Mesdames Chantal Oury et Isabelle Véron, sœurs de Victor, le 4 mars 2004, après le décès de leur sœur, Marguerite Bentkowski. Cette dernière avait obtenu de Christian Bernadac la restitution de ce carnet, qu’il avait emprunté alors qu’il préparait son livre, Le train de la mort.

Contact

Pour contacter la famille de Victor ou le webmaster de ce site, vous pouvez utiliser l'adresse victortiollier [at] free.fr